Quel rapport entre Bud Spencer et Carlo Pedersoli ? Les deux sont morts à Rome, lundi 27 juin, à l’âge de 86 ans, ne faisaient qu’un, et figuraient parmi les acteurs de série B les plus populaires d’Italie, et d’au-delà d’ailleurs. Pourquoi, dans la mort, ne faut-il pas plus que dans la vie les disjoindre ? Parce que les deux noms de cet homme unique racontent évidemment quelque chose d’essentiel pour caractériser l’acteur, le type de cinéma dans lequel il s’illustrait, et l’affection que lui portait le public. On trouvait ainsi en lui tout à la fois la mythologie américaine (l’action, la bagarre, le western, le buddy movie…) et sa parodie italienne, du type surhomme farcesque.
Ne négligeons pas pour autant la piste proprement nationale, le prototype du Hercule musculeux s’offrant durablement (des années 1910 aux années 1960) dans le cinéma italien avec le personnage de Maciste, qu’on peut concevoir, pour le pire, comme projection d’un certain cultre national pour la force, et pour le meilleur, comme un géant bénéfique, défenseur du peuple.
En tout état de cause, Carlo Pedersoli avait, c’est le moins qu’on puisse dire, le colossal physique de l’emploi : c’était dans sa jeunesse un nageur de très haut niveau, et avec les ans la largeur s’ajouta à la hauteur, la trogne à la pogne. Fils d’un industriel napolitain ruiné par la seconde guerre mondiale, il passe quelque temps en Argentine, avant de revenir dans la Péninsule où il s’exerce à divers petits métiers. Au cinéma, il débute dans le peplum hollywoodien Quo Vadis, de Mervin LeRoy (il y campe un garde impérial), genre qui convient à son gabarit. De l’eau coule toutefois sous les ponts avant que sa notoriété ne s’envole au détour des dix-huit films, pour beaucoup d’entre eux, des westerns spaghettis, qu’il interprète au côté de Mario Girotti, compère aux yeux clairs plus connu sous le nom de Terence Hill.
L’affaire s’engage avec Dieu pardonne... moi pas (1967) et se termine assez tardivement avec Petit papa baston (1994). Le début des années 1970 – On l’appelle Trinita (1970), On continue à l’appeler Trinita (1971), Maintenant on l’appelle Plata (1973), tournés sous la direction d’Enzo Barboni et Giuseppe Colizzi – constitue le sommet d’une collaboration marquée par l’humour bon enfant, le pugilat tarte à la crème, et ce qu’il ne faut pas craindre de nommer – nonosbtant le classement en catégorie « culte » de tout ce qui s’est créé durant les seventies – un goût avéré de la crétinerie.
En duo ou en solitaire, Bud Spencer s’illustra pour l’essentiel dans ce type de nanar, où sa silhouette massive, son coup de poing massue, ses gifles de légende et son mépris impavide des inconvénients de la vie lui rallièrent l’assentiment et l’affection des amateurs du genre. Quelques timides incursions chez de grands sylistes, tels Mario Monicelli (Un héros de notre temps, 1953), Dario Argento (Quatre mouches de velours gris, 1971) ou Ermanno Olmi (En chantant derrière les paravents, 2003), ne changèrent pas grand chose à l’ethos du héros de Les Anges mangent aussi des fayots et Mon nom est bulldozer (1978).
Signe de sa popularité en Italie, le chef du gouvernement, Matteo Renzi, a fait part de son émotion dans un tweet : « Ciao Bud Spencer, nous t’avons tous tellement aimé. »
Le ministre de la culture, Dario Franceschini, a salué « un grand interprète de notre cinéma, qui au cours de sa longue carrière a réussi à divertir des générations entières et à conquérir son public avec un grand professionnalisme ». « RIP Bud Spencer… Mon cœur est avec ta famille », a écrit l’acteur néo-zélandais Russell Crowe sur Twitter.
Mais l’hommage le plus attendu était celui de son partenaire de longue date, Terence Hill. « Je suis sous le choc. J’ai perdu mon meilleur ami », a commenté l’acteur de 77 ans, cité par le quotidien Corriere Della Serra.
Source : "Le Monde"