Episode 10La planque d'Avalanche, aux sous-sols du bar de Tifa, révèle une pièce isolée, mal rangée, une odeur sèche de renfermé assaille l'odorat peu habitué à l'endroit.
Un grand écran diffuse un flash d'informations sur l'attentat terroriste qui a secoué Midgar cette nuit. Sur une table bancale, des plans et des bouteilles d'alcool plus ou moins vides, témoins des préparatifs minutieux des opérations d'Avalanche, encadrent le visage de Biggs assoupi.
Cloud considère l'activation de Jessie à son ordinateur, encore sous le coup de la puissance mal calculée de la bombe qu'elle a elle-même fabriquée en suivant les données trouvées ici et là.
Le sous-sol résonne des coups défoulés de Barret sur un punching ball, devant le regard innocent de la gamine aux yeux marron.
La sueur marque son visage, autant que l'énervement.
Son poing valse un grand coup sur le sac, puis le colosse cesse ses terribles mouvements pour rediriger son œil méfiant vers la nouvelle recrue.
- Eh, Cloud, j'ai quelque chose à te demander.
Le garçon se retourne et effectue un ou deux pas vers le chef d'Avalanche.
- Y avait-il quelqu'un du Soldier parmi nos adversaires?
- Personne. J'en suis sûr.
Le doute reste présent dans le regard du chef posé sur les prunelles de Mako devant lui.
- Tu as l'air vraiment sûr...
Et le garçon, sans vraiment faire attention:
- S'il y avait eu quelqu'un du Soldier, tu ne serais pas là maintenant.
Il y a des remarques de trop, des remarques qui font exploser un homme en colère. Insulté, Barret se laisse difficilement retenir par Biggs qui s'accroche à lui pour éviter la bagarre.
- Ne te juges pas si supérieur simplement parce que tu as été membre du Soldier!
Le bras musclé du grand noir effectue un brusque mouvement et Biggs retourne violemment à son tabouret qui se renverse sous le choc.
Devant la futilité de cet emportement, Cloud se détourne et se redirige vers l'ascenseur; son pas se laisse stopper par une nouvelle remarque de Barret.
- Oui, tu es fort... Tous les gars du Soldier le sont, probablement. Mais n'oublie pas que tu fais maintenant partie d'Avalanche. Ne t'obstine pas à t'accrocher à la Shinra.
Le jeune homme se retourne sèchement, son regard témoignant de la blessure portée.
- Rester avec la Shinra? Tu m'as posé une question et j'y ai répondu, c'est tout!
Il s'approche de Barret et lève un peu la tête pour regarder le colosse dans les yeux.
- Je monte. Je veux parler de mon argent.
- Attends, Cloud!
Alors qu'on se redirige vers l'ascenseur, la belle jeune femme de mon enfance rattrape le bras du jeune homme blessé.
Barret ne peut s'empêcher de continuer à attaquer le garçon.
- Tifa, laisse-le partir! On dirait que la Shinra continue à lui manquer!
L'enfant trop atteint dégage son bras de l'étreinte de la jeune femme désespérée de cette mésentente entre les deux hommes.
- Tais-toi! Je me fiche de la Shinra et du Soldier!
Son pas atteint l'ascenseur.
- Mais comprenez moi bien... - Un œil qui remarque les regards lourds de Biggs, de Wedge, de la jeune fille à la queue de cheval brune, du grand noir là-bas qui ne comprend rien, de Tifa qui ne désire qu'une situation moins tendue - …je me fiche d'Avalanche et de la planète d'ailleurs.
Sa main frappe l'appareil qui le remonte au bar.
Le pied du jeune homme caresse le plancher du bar.
Comme une fugue, quand on vient de se disputer avec ses parents, on quitte le foyer, et en traînant le pas car on ne sait véritablement où on va aller maintenant. Surtout quand on a 21 ans. Surtout quand on n'a plus rien. Surtout quand on a retrouvé la Tifa de son enfance, et que dans ce réflexe de malheur tellement inscrit dans le cœur qu'on abuse de cette formidable faculté à se faire souffrir sans aide, le jeune homme en arrive à se condamner en quelques pas.
La jeune femme réapparaît et se raccroche au jeune homme qui avait du mal à franchir le seuil de cette porte.
Comment peut-il partir ainsi, alors que la planète est vraiment en train de mourir, lentement, mais sûrement, et qu'il faut agir?
Désolé, Tifa, mais l'enfant est perdu, il aurait voulu rester dans tes bras, il y a sept ans, mais au lieu de ça, pour te montrer qu'il existait, il est parti, comme aujourd'hui il s'en va.
La planète a besoin d'être secourue.
- Alors laisse Barret et ses copains s'en charger. Je n'ai rien à voir avec ça.
- Alors, tu t'en vas vraiment? Tu pars comme ça, sans te soucier de ton amie d'enfance?
Et la promesse, il y a sept ans n'est plus qu'une chimère...
Le regard vert de Mako n'a plus de mots.
La jeune fille aux yeux de feu n'a pas oublié cette promesse d'enfant, sous les étoiles.
Je me souviens de ce soir-là, assis sur le rebord du puit de notre village, de Nibelheim. La fraîcheur du soir caressait ma gorge et commençait à investir mon col et mon pull, mes manches et le bas de mon pantalon.
Je pensais que tu ne viendrais pas.
J'ai entendu ta voix, et mon cœur comme toujours s'est mis à battre très fort.
A cette époque, j'avais les yeux marron.
Aujourd'hui encore, je ne peux te dire comme mon cœur résonnait dès que tu m'approchais. Il battait tellement fort que des fois je craignais que tu ne l'entendes.
Tu t'es excusée d'être en retard, et comme seule réponse, mes jambes ont cessé ce balancement qui jetait mes pieds à intervalle régulier pour résonner de ce bruit sourd sur le bois du puit.
Tu as repris, car toi il n'y avait rien dans ton cœur qui t'empêchait de me parler.
- Tu as dit que tu voulais me dire quelque chose?
Sans te regarder, car j'aurais perdu le courage de l'usage de ma langue, je t'ai répondu directement, comme un fardeau dont il fallait que je me débarrasse avant de ne plus en être capable.
- Ce printemps... Je quitterai ce village pour Midgar.
Je t'ai vu regarder la clarté des étoiles. Tu étais magnifique.
- ...Tous les garçons quittent notre ville.
Dans la faiblesse de mon sentiment, je ne savais pas comment te dire ce pourquoi je t'avais appelée ce soir.
Et puis les mots ont timidement commencé à se décoller de ma gorge.
Je t'ai dit que j'étais différent d'eux, que je ne partais pas simplement chercher un emploi, puis je me suis levé, me suis approché de toi, et je t'ai lancé, magistralement:
- Je veux rejoindre le Soldier!
Je veux devenir le meilleur, tout comme Sephiroth!
Tu as souri, et les yeux fermés tu as murmuré "Sephiroth, le grand Sephiroth...", comme pour me faire comprendre la folie et la beauté de mon désir que je t'annonçais ce soir là.
Alors j'ai compris que je ne reviendrais pas en arrière.
Mes pieds ont contourné le puit, et j'ai grimpé au plus haut pour dominer les étoiles.
- N'est-ce pas dur de rejoindre le Soldier?
Ta remarque résonnait comme pour tester ma volonté, qui t'a répondu que je ne reviendrai pas à Nibelheim avant un moment.
Tu as étouffé un gloussement, je ne sais pas si tu te moquais de moi, si mon rêve t’amusait, alors mon œil d'enfant t'a interrogé, et comme pour me conforter dans mon idée, tu t'es rattrapée en me demandant si je serai dans le journal si je réussissais.
Une bien étrange question, qui m'a un peu déstabilisée, comme chacun des mots qui sortaient de ta gorge tant désirée.
- J'essaierai.
Et alors, comme toutes folies dont tu sais faire preuve pour me faire encore sourire, tu m'as lancé:
- Hé, pourquoi ne pas nous faire une promesse?
Je ne voyais pas où tu voulais en venir.
- Hum, si tu deviens vraiment célèbre et que j'ai des problèmes, tu viendras me sauver, d'accord?
- Quoi?
- Chaque fois que je serai en difficulté, mon héros viendra à mon secours. Je veux connaître cela au moins une fois.
J'avais du mal à suivre ton idée.
Tu as insisté. Et sous les étoiles de ce soir frais d'été de tes treize ans, je t'ai promis. Une étoile a traversé le ciel pour sceller mes mots dans l'éternité.
- Tu te souviens, notre promesse, non?
Le regard vert de Mako reste posé sur la jeune femme, puis se retourne vers la sortie, pour s'échapper.
- Je ne suis pas un héros et je ne suis pas célèbre. Je ne peux pas tenir ta promesse.
La jeune fille aux yeux de feu insiste, comme si elle n'avait traversé ses sept difficiles années que pour cet instant.
- Mais tu as réalisé ton rêve d'enfant, non?
Tu as rejoint le Soldier, alors! Tu dois tenir ta promesse...
Barret, remonté de son sous-sol, interrompt la jeune fille, car avant que le Soldier ne reparte, lui au moins tiendra ses engagements.
Il lui jette son argent qui vient frapper le torse du jeune homme.
Cloud considère la maigre bourse et les 1500 gils, et esquissant un sourire douteux:
- C'est mon salaire? Laisse moi rire.
Tifa a remarqué le ton du jeune homme blond.
- Quoi? Alors tu...
Cloud, feignant de ne plus prêter attention à Tifa, lance au patron:
- Tu as prévu la prochaine mission? Je m'en charge pour 3000.
Barret est sur le point de s'énerver à nouveau, si Tifa ne répondait à sa place.
- D'accord, d'accord...
Puis, à l'oreille du colosse:
- Nous avons vraiment besoin d'aide, non?
Le leader de la résistance se retrouve piégé. Cet argent est destiné aux études de Marlène, alors pour gagner un peu, on marchande:
- 2000!
Tifa attrape la main du jeune homme et clôt savamment le débat.
- Merci, Cloud.
L'enfant au regard de Mako considère la jeune femme, le sourire tendre, qui n'a pas changé, qui s'est peut-être encore plus adouci, caressé par les épreuves de ces dernières années.
Une promesse a marqué son esprit.
"Je deviendrai le meilleur, tout comme Sephiroth, en ton nom, pour tes yeux et pour les rêves auxquels tu crois encore, pour la gamine que j’ai aimée à mes quatorze ans, pour toutes les étoiles qui filent dans le ciel. Eternité."
(Dans l'attente de la suite, des mots qui nous entraînent, nous emportent et nous volent...)