Le Japon a adopté le SHOGUNAT ou gouvernement guerrier dès le 12e siècle. Depuis sa fondation, le Japon était voué à une politique aristocratique mais celle-ci avait dégénéré en une violente prériode de guerres internes.
Contrairement à la Chine ou la Corée qui lui apportèrent ses origines, le Japon ne fut pas construit autour de successions dynastiques avec l'existence d'une bureaucratie mais par des seigneurs de guerre qui possédaient des terres instituant une féodalité toute-puissante. En ce sens le Japon fut d'abord capitaliste avant d'être impérialiste. Les seigneurs étaient des propriétaires fonciers armés assurant en leurs terres une grande part des pouvoirs royaux, contrôlant leurs domaines où les paysans travaillaient dur tandis que des guerriers étaient unis en une troupe tenue par des liens vassaliques très forts. Ces troupes faisaient la police localement, représentaient potentiellement une armée et veillaient à ce que les paysans paient les impôts. L'empereur n'était maître que sur son propre domaine, lieu de sa capitale (Kyoto), comme le roi de France fut longtemps roi de Paris et sa région, craignant la force, la richesse et l'autorité des nobles régnant sur le reste du pays. Pour autant cette féodalité fut bien plus stable au Japon qu'en France ou le reste de l'Europe, en raison de son statut d'île : quand le Japon pouvait s'offrir le luxe de n'avoir à contrôler que son territoire, les pays européens passaient leur temps à craindre leurs voisins, envisager des conquêtes (Guerre de Cent ans etc..). De plus, le Japon n'eut pas à subir les influences dévastatrices de l'Eglise... (guerres de religion, croisades...)
Aux 10e et 11e siècles, face au délitement de l'Etat impérial, les provinces virent l'émergence de groupes de notables armées visant à régler eux-mêmes les problèmes d'insécurité ainsi que le raidissement du rapport de classes : il fallait faire payer les impôts qui augmentaient d'autant plus que la mise à disposition de guerriers augmentaient les coûts seigneuriaux. A ce titre, ce fut l'est du Japon qui se posa comme la région la plus puissante, pouvant rivaliser avec la Cour au 12e siècle. L'empereur accéda alors au besoin des seigneurs et créa la fonction de SHOGUN qui devint peu à peu chef de l'Etat. Ce pouvoir fut ensuite sans cesse remis en question jusqu'à sa disparition après le BAKUMATSU.
L'Etat était donc divisé en deux parties indépendantes:
_ Le Shogun qui tenait son fief dans le Kantô (est).
_ L'empereur qui avait sa capitale et son palais à Kyoto, était réduit à n'être qu'une image religieuse, une personnalité, un intercesseur entre les hommes et les divinités. Il validait encore les nominations aux charges importantes, telles que ministre mais devait tenir compte de l'avis du shogun. Néanmoins, bien des seigneurs sollicitèrent l'empereur au fil des siècles pour atteindre la place de shogun ou bien obtenir des faveurs les protégeant de ce dernier.
Cette toute-puissance du shogun n'empêcha pas l'anarchie et le retour de l'instabilité. Certains samouraïs formèrent des ligues ou associations de petits seigneurs sans lien de vassalité qui voulaient résister ensemble à la pression paysanne refusant de payer l'impôt comme à la volonté des grands seigneurs de les intégrer à leurs troupes en les privant de leur liberté par des liens vassaliques. Dans les régions où le pouvoir seigneurial disparaissait, les ligues gagnèrent en puissance et tentèrent de créer des républiques autonomes. Tout ceci constitua une grave instabilité des couches dominantes de cette société féodale:
_ les paysans s'opposaient au pouvoir des guerriers.
_ les vassaux s'opposaient au pouvoir des seigneurs.
_ les seigneurs s'opposaient au pouvoir du shogun.
Cet état de fait balota la pays encore longtemps jusqu'à ce que trois grands seigneurs y mettent bon ordre par le biais d'une guerre sans partage qui prit fin avec la bataille de Sekigahara.
Source: Pierre-François SOUYRI.