Capello dans le dico
EST-CE « DE BON ALOI » de mourir ? Certainement pas, c’est pourtant ce qu’a fait dimanche monsieur Jacques Capelovici, plus connu sous le nom de Maître Capello. Rien que l’évocation de son patronyme va rappeler bien des souvenirs à des générations de téléspectateurs français...
Jacques Capelovici était né le 19 décembre 1922, à Paris.
EST-CE « DE BON ALOI » de mourir ? Certainement pas, c’est pourtant ce qu’a fait dimanche monsieur Jacques Capelovici, plus connu sous le nom de Maître Capello. Rien que l’évocation de son patronyme va rappeler bien des souvenirs à des générations de téléspectateurs français, scotchés entre 1976 et 1986 devant « Les Jeux de 20 heures ».
Une émission produite par Jacques et Antoine Solness (qui avaient notamment inventé « Le Palmarès des Chansons » et « La tête et les jambes »), et diffusée alors sur France 3, pardon FR3. Maître Capello, c’était surtout la tête, la grosse tête bien pleine, un « Monsieur je sais tout » qui savait vraiment tout de l’orthographe et de la grammaire. Apparu dans « Sports Dimanche » de Raymond Marcillac, « Les jeux du bac », « Le Francophonissime » (également diffusé au Canada, en Belgique, Suisse, Luxembourg…), il avait même son jeu à lui dans « Les Jeux de 20 heures » présentés par Jean-Pierre Descombes, « La phrase de Maître Capello ».
Un amoureux de la langue française
Installé derrière son pupitre, cheveu « noir et dru », silhouette aussi ronde que ses lunettes, sourire malicieux, sa petite serviette de cuir près de lui, ce « passionné de la langue française » était le prof qu’on n’aurait pas voulu avoir lorsqu’on hésitait sur accent grave ou aigu. Des chiffres et des lettres, lui, c’étaient les lettres, les belles, qu’il avait étudiées et qu’il enseignait, agrégé d’anglais, certifié d’allemand, diplômé d’italien et de scandinave ancien…
Ce « Maître », surnom que ses élèves du lycée Lakanal à Sceaux lui avaient donné, était un linguiste très tatillon, capable de se mettre en colère pour un participe passé mal accordé, de se fâcher pour un adjectif, de s’emporter pour un subjonctif. Syntaxe, priez pour nous ! Avec une diction qui semblait déjà du siècle dernier au siècle dernier, il grondait ces commentateurs qui commentaient pas bien, ces présentateurs qui présentaient de grosses fautes, ces speakerines qui se piquaient d’effets de style ratés. En règle générale, il pestait déjà contre ses contemporains qui causaient pas bien le français
Mais ce savant pointilleux, capable d’expliciter les origines latines (ou autres) de nos mots (maux ?), était un véritable amoureux de la langue française. Il s’amusait follement à inventer des jeux de mots laids et des calembours bons, à créer des acrostiches, à inventer des palindromes (mot ou groupe de mots qui se lit dans les deux sens), dont son « Esope reste ici et se repose » qui est dans le Larousse. Tout petit déjà, il était tombé dans une marmite pleine de dicos, était cruciverbiste (non, ce n’est pas un gros mot) dès ses 10 ans, et avait même envoyé une grille à Tristan Bernard, qui lui avait répondu.
Cet homme, qui possédait un nombre impressionnant d’encyclopédies en moultes langues, faisait la chasse « aux faux-sens, contresens, non-sens et tutti quanti ». Et notait que deux mots qui commencent par « rig », « la rigueur et la rigolade, ne sont nullement incompatibles ».
S’il a eu un successeur en la personne de Bernard Pivot, avec sa fameuse et redoutée dictée, les deux lettrés ne se sont jamais rencontrés. Maître Capello composait encore, il y quelques mois, des grilles de mots fléchés pour « Télé 7 jours ». Mais il devait être désespéré par la télé d’aujourd'hui : on imagine mal une émission de téléréalité sur l’orthographe et la grammaire. Combien de « r » dans string (qui n’est même pas un mot français) ? Ni « subtil », ni « très fin », et certainement pas « de bon aloi ».
Patrick TARDIT
Extrait de L'est Républicain
EST-CE « DE BON ALOI » de mourir ? Certainement pas, c’est pourtant ce qu’a fait dimanche monsieur Jacques Capelovici, plus connu sous le nom de Maître Capello. Rien que l’évocation de son patronyme va rappeler bien des souvenirs à des générations de téléspectateurs français...
Jacques Capelovici était né le 19 décembre 1922, à Paris.
EST-CE « DE BON ALOI » de mourir ? Certainement pas, c’est pourtant ce qu’a fait dimanche monsieur Jacques Capelovici, plus connu sous le nom de Maître Capello. Rien que l’évocation de son patronyme va rappeler bien des souvenirs à des générations de téléspectateurs français, scotchés entre 1976 et 1986 devant « Les Jeux de 20 heures ».
Une émission produite par Jacques et Antoine Solness (qui avaient notamment inventé « Le Palmarès des Chansons » et « La tête et les jambes »), et diffusée alors sur France 3, pardon FR3. Maître Capello, c’était surtout la tête, la grosse tête bien pleine, un « Monsieur je sais tout » qui savait vraiment tout de l’orthographe et de la grammaire. Apparu dans « Sports Dimanche » de Raymond Marcillac, « Les jeux du bac », « Le Francophonissime » (également diffusé au Canada, en Belgique, Suisse, Luxembourg…), il avait même son jeu à lui dans « Les Jeux de 20 heures » présentés par Jean-Pierre Descombes, « La phrase de Maître Capello ».
Un amoureux de la langue française
Installé derrière son pupitre, cheveu « noir et dru », silhouette aussi ronde que ses lunettes, sourire malicieux, sa petite serviette de cuir près de lui, ce « passionné de la langue française » était le prof qu’on n’aurait pas voulu avoir lorsqu’on hésitait sur accent grave ou aigu. Des chiffres et des lettres, lui, c’étaient les lettres, les belles, qu’il avait étudiées et qu’il enseignait, agrégé d’anglais, certifié d’allemand, diplômé d’italien et de scandinave ancien…
Ce « Maître », surnom que ses élèves du lycée Lakanal à Sceaux lui avaient donné, était un linguiste très tatillon, capable de se mettre en colère pour un participe passé mal accordé, de se fâcher pour un adjectif, de s’emporter pour un subjonctif. Syntaxe, priez pour nous ! Avec une diction qui semblait déjà du siècle dernier au siècle dernier, il grondait ces commentateurs qui commentaient pas bien, ces présentateurs qui présentaient de grosses fautes, ces speakerines qui se piquaient d’effets de style ratés. En règle générale, il pestait déjà contre ses contemporains qui causaient pas bien le français
Mais ce savant pointilleux, capable d’expliciter les origines latines (ou autres) de nos mots (maux ?), était un véritable amoureux de la langue française. Il s’amusait follement à inventer des jeux de mots laids et des calembours bons, à créer des acrostiches, à inventer des palindromes (mot ou groupe de mots qui se lit dans les deux sens), dont son « Esope reste ici et se repose » qui est dans le Larousse. Tout petit déjà, il était tombé dans une marmite pleine de dicos, était cruciverbiste (non, ce n’est pas un gros mot) dès ses 10 ans, et avait même envoyé une grille à Tristan Bernard, qui lui avait répondu.
Cet homme, qui possédait un nombre impressionnant d’encyclopédies en moultes langues, faisait la chasse « aux faux-sens, contresens, non-sens et tutti quanti ». Et notait que deux mots qui commencent par « rig », « la rigueur et la rigolade, ne sont nullement incompatibles ».
S’il a eu un successeur en la personne de Bernard Pivot, avec sa fameuse et redoutée dictée, les deux lettrés ne se sont jamais rencontrés. Maître Capello composait encore, il y quelques mois, des grilles de mots fléchés pour « Télé 7 jours ». Mais il devait être désespéré par la télé d’aujourd'hui : on imagine mal une émission de téléréalité sur l’orthographe et la grammaire. Combien de « r » dans string (qui n’est même pas un mot français) ? Ni « subtil », ni « très fin », et certainement pas « de bon aloi ».
Patrick TARDIT
Extrait de L'est Républicain