J’espère qu’aucun d’entre vous ne se dit « mais c’est quoi ça ? » sinon je suis bonne pour la crise cardiaque…
Commençons….
Les opérations du 6 juin 1944 ont été mises en place dès qu’Hitler a attaqué la Russie. Staline pourtant sympathisant de l’Allemagne a vu lui exploser à la figure la pire des éventualités. Pris au dépourvu et supportant du jour au lendemain le déploiement de la machine de guerre allemande qui n’a plus rien à prouver sur le front ouest, la Russie se tourne alors vers un résistant de la première heure : l’Angleterre. Durant la fin de l’année 1942 et courant 1943, Staline demande aux Anglais puis aux Américains entrés en guerre avec retard (merci Pearl Harbor) de débarquer en Europe comme cela se fait en Afrique du nord.
Une opération est lancée sur Dieppe en 1942 pour prendre le port mais l’échec est cuisant : les côtes de la Manche sont bien gardées.
La Russie se résout à son sort jusqu’à l’opération « Evil » qui consiste à débarquer des hommes en Italie. Ce front européen peine à avancer car la résistance allemande se joint aux forces malmenées de Mussolini et le terrain n’est pas propice malgré la présence dans les rangs alliés d’expatriés résistants venus de toute l’Europe et parlant l’italien.
Une seconde opération de grande envergure est mise en place entre décembre 1943 et janvier 1944 sous la double direction de Dwight Eisenhower (USA) et de Bernard Montgomery (GB). Le Pas de Calais est considéré pendant un temps comme intéressant mais il est plus éloigné des ports de départ qui seraient tous en Angleterre (où l’on regroupe plus d’un demi million d’hommes venus de tous les pays alliés et/ou occupés, notamment des Français, des Grecs, des Italiens, des Espagnols, des Belges, des Flamands entrés en résistance) que la Normandie. De plus, le but essentiel est de s’emparer du port de Cherbourg et de ses accès au réseau de routes amenant directement sur Paris. Et puis, l’ennemi voit le Pas de Calais comme le lieu évident d’un débarquement, alors raison de plus pour lui faire un pied de nez en visant un lieu qui aura l’avantage de la surprise et d’une défense moindre en hommes et en matériel.
Car même si Rommel a fait mettre en place le mur de l’Atlantique, il ne pense pas une seconde que les alliés pourraient viser la Normandie.
Ce mur doit rejeter les alliés à la mer mais il sera trop long à bâtir en raison du pilonnage aérien quotidien. Rommel demandera que les divisions Panzers de réserve soient placées non loin des côtes mais cela lui sera refusé par Von Rundstedt, son supérieur qui ne voit que par le Pas de Calais. Seul Hitler pourra ordonner à ces réserves de chars blindés de monter sur la Normandie, encore faudra t-il pouvoir le joindre !
J’ajoute que les alliés se sont employés à conforter l’ennemi dans cette idée du Pas de Calais avec tout un jeu baptisé opération Fortitude (désinformation, fausses données, diversions, faux documents égarés sciemment comme des photos aériennes).
Le plan prévoit de débarquer le 1er mai 1944 cinq divisions par la mer et trois brigades par les airs (avec planeurs).
Mais le 1er mai, les barges de débarquement sur les plages ne sont pas terminées, il faut repousser d’un mois. Le 1er juin, il faut attendre encore car le temps est exécrable. Cet été est l’un des plus pluvieux et venteux depuis des années !!
Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, la décision est prise conjointement par tous les chefs alliés : le débarquement se fera à 4h00 du matin le 6 car une accalmie météo se profile.
La première vague est celle des parachutistes et des planeurs. Ils partent de nuit : leur mission est d’arriver les premiers à l’arrière des plages afin de sécuriser la seconde vague d’assaut par la mer. Ils doivent réduire à néant les défenses allemandes.
1 312 bateaux de guerre de tous types font route à toute vitesse vers la France, chargés jusqu’à la face de pet de soldats et de matériel, suivis par 736 navires de soutien, 864 cargos, 4 126 engins flottant devant débarquer 20 000 véhicules et 156 000 hommes.
Les hommes débarqueront sur les plages (renommées en anglais) organisés comme suit :
Utah Beach et Omaha Beach (direction La Pointe du Hoc et Pouppeville)_ les Américains
Gold Beach (direction Arromanches)_ les Anglais
Juno Beach (direction Courseulles sur Mer)_ les Canadiens et quelques Britanniques (ou plutôt Ecossais et Irlandais)
Sword Beach (direction Ouistreham et Lion sur Mer) _ les Britanniques et les Français de la résistance (ainsi que ceux récupérés en Afrique du nord)
La réussite dépendra de l’avancée des parachutés (en direction de Saint Mère l’Eglise, de Vierville…) et du concours des FFI Forces Françaises Libres qui doivent saboter les lignes de communication allemandes. Le tout dépend bien sûr du temps et de la vitesse de déplacement des alliés : ce jour sera le jour le plus long mais au soir, les troupes devront être ancrées en France.
A minuit et 5 minutes, fidèles à l’habitude installée depuis des mois, les alliés bombardent le Havre et Cherbourg. Dix minutes plus tard, les premiers parachutistes qui doivent aider la résistance sont largués : leurs cibles sont les voies de liaison, surtout les voies ferrées. Encore dix minutes plus tard, soit à minuit et 20 minutes, les planeurs britanniques atterrissent pour prendre et protéger les ponts qui devront servir à gagner les routes pour Caen puis Paris : le Pegasus Bridge de Ouistreham. L’officier en charge est surpris que tout de passe bien : en moins d’un quart d’heure, ses hommes abattent l’unité allemande en place, désamorcent la dynamite installée sur le pont et deviennent maîtres des lieux. Une seule pensée occupe alors son esprit : « vous devrez tenir ce pont jusqu’à ce qu’on vous relève », mais quand cette relève pourra t-elle les rejoindre ?
A une heure du matin, les autres parachutistes sont largués. Certains ont de la chance, d’autres moins : ils tombent dans un puits, dans le jardin d’une maison occupée par un gradé allemand… Le pire se produit lors du largage sur Sainte Mère l’Eglise. Un bâtiment est en feu, ce qui perturbe le pilote qui donne l’ordre de larguer trop tôt. Les soldats sautent au-dessus de la petite bourgade remplie de gens qui s’activent pour éteindre les flammes sous la surveillance de soldats Allemands ! Les alliés de la 82e aéroportée n’ont pas le temps de toucher le sol qu’ils sont abattus. John Steele est un des rares survivants car son parachute a accroché le toit de l’église, on peut dire que Dieu lui a sauvé la vie en l’agrippant au passage, le gardant loin du sol et de la vue de ses ennemis (cet homme a par la suite vécu en France et créé un petit musée à Sainte Mère l’Eglise, rendant hommage à ses compagnons malchanceux).
Tous les hommes encore debout et en vie doivent converger sur leurs objectifs avant que le débarquement sur plages ne commencent. C’est donc en pleine obscurité, sur des chemins de terre aventureux et étrangers, parfois des marais artificiels fabriqués par l’armée Allemande, qu’ils s’efforcent de remplir leur mission. Leur seul sécurité est leur fusil et un criquet de poche : en cas de doute face à un autre soldat un clic devra avoir pour réponse deux clic sinon c’est le moment de tirer à vue.
A 3 heures 20, les planeurs arrivent à leur tour, toujours derrière les lignes allemandes. Mais encore une fois, la tâche n’est pas aisée et la chance abandonne certains équipages : le tir de batterie ennemi vise les planeurs que l’on voit mieux à cause de la clémence météo. L’ennemi sait aussi que des parachutistes ont été vus par certains lieux. Des planeurs sont touchés et s’embrasent en vol ou à l’atterrissage catastrophe. Hommes et matériel logistique lourd flambent. Néanmoins, chacun qui le peut s’entête à sa mission bien que les points d’atterrissage soient souvent erronés et rallongent le chemin à parcourir. L’Histoire a retenu le nom de Benjamin H. Vandervoort, lieutenant colonel qui eut la cheville brisée à l’atterrissage mais poursuivit le trajet avec son unité tout en serrant les dents.
Les nouvelles arrivent plus ou moins aux différents quartiers généraux Allemands (merci la Résistance et son art de saboter le téléphone) grâce aux radios. Des rumeurs de parachutistes isolés, puis de bombardements excessifs éveillent peu à peu l’alarme. Sans oublier que la soudaine motivation des saboteurs français ne passait pas inaperçue. Hélas pour les gradés Allemands, leur incrédulité face à la tactique alliée les aveugle. Et Hitler dort… ce qui empêchera Von Rundstedt d’obtenir les renforts de panzers souhaités…
Au levé du jour, à 6 heures du matin, l’immense flotte se glisse dans la brume. Un officier qui a passé la nuit dans un des bunkers n’a que le temps de constater la taille gigantesque de cette armada qu’aussitôt, les canons commencent à viser les côtes, soutenus par l’aviation.
Tout ce qui porte un canon tire sans discontinuer pendant une demi-heure, à tel point que les marins voient la face de pet des canons cracher des flammes et devenir rouges.
6 heures 30 pour les américains et 7 heures 30 pour les autres : les hommes embarquent dans les barges qui filent vers les quatre plages. Parmi eux, d’illustres noms tels que l’héritier Roosevelt, l'écrivain Ernest Hemingway ou le photographe de guerre Frank Cappa.
Cliché sur le vif pris par Cappa...
"La barge qui nous emmène ressemble à un cercueil" écrira Hemingway.
Les troupes alliées débarquent sous le feu des Allemands retranchés dans leur bunker. La Pointe du Hoc est un défi à elle-seule puisque c’est une falaise avec en son sommet un canon ennemi protégé par un bunker et des soldats.
Les Alliés doivent grimper à la corde et découvrent non sans avoir perdu des camarades que le fameux canon n’existe pas !
Beaucoup d’hommes meurent sur les plages : Rommel n’a pas fait les choses à moitié. S’il n’est pas sur les côtes en ce 6 juin, il a fait miner les plages, renforcer les garnisons et avancer son mur de béton. Le plus rude est à Omaha Beach. Les hommes sont coincés sur la plage et se font tuer comme à la chasse par des soldats Allemands qui mitraillent sans arrêt, peu à peu terrorisés de voir cette quantité incroyable d’hommes qui grossit encore et encore avec les nouvelles barges. C’est tuer ou être tué.
Leur consigne est « jamais de prisonnier » et ils pensent que celles des Alliés est la même…
Les cadavres s’accumulent mais un petit groupe d’artificiers du Génie se porte volontaire pour tenter une percée dans le Mur. Au prix de nouvelles vies, une explosion taille une brèche dans le Mur et les hommes peuvent enfin quitter la plage.
Pendant ce temps, les unités de brigades venues par les airs avancent. Les Français se démarquent par une offensive décisive sur Ouistreham. Les Allemands sont retranchés dans le Casino de la ville et les empêchent de rejoindre le Pegasus Bridge sécurisé dans la nuit. Le commando de Philippe Kieffer joue le tout pour le tout. Après s’être posé dans le grand hôtel face au Casino, il fait feu sur l’ennemi afin de le distraire de Kieffer qui part à toutes jambes. Son idée est simple si on veut : les Allemands se protègent avec un canon dans le sous-sol du Casino, Kieffer part réquisitionner un char pour le réduire à néant. Le temps s’allonge mais lorsqu’il réapparaît, il est bien accompagné d’un char allié.
Pont mobile apporté en pièces détachées et installé par les alliés pour débarquer tout leur matériel sur les plages de Normandie conquises.
Au soir du 6 juin, les Alliés ont perdu un tiers de leurs hommes, plus de 10 000 vies et comptent près de 6000 blessés. Néanmoins, le second front armé contre le nazisme est bien ancré. La guerre peut commencer. Notez que la bataille de Normandie a par la suite coûté cher aux forces Allemandes : pas de reddition, pas de capitulation, ordres qui ont fait 200 000 morts.
Pour celles et ceux qui souhaitent en savoir plus, je conseille :
Film : Le Jour le Plus Long de Ken Annakin, Darryl F. Zanuck, Andrew Marton et Bernhard Wicki qui n'a pas pris une ride ou presque.
Il faut sauver le soldat Ryan de Spielberg surtout pour les premières 20 minutes.
Série documentaire : Apocalypse épisodes 5 et 6
Série : Band of Brothers épisodes 1 et 2
Livres : Le Jour le Plus Long de Ryan Cornelius qui a inspiré le film, Ils arrivent de Paul Carrell pour le débarquement vu depuis les lignes allemandes.